Les paysages islandais sont reconnus pour leur caractère sublime largement encensés dans les ouvrages d’aventure et de tourisme. Cette perception du paysage, je la ressentais comme nombre de voyageurs. Leur présence comme leur puissance éveille brutalement, démesurément car cette force va au delà de ce que nous pouvons imaginer. Il n’y a point d’attirance pour le « beau » paysage, mais une douce hostilité des éléments qui devient inspirante. J’évite la vision panoramique et concentre le paysage dans un carré. Je m’attarde sur des petits paysages, des espaces de presque rien, des détails, des affleurements, des matières, des couleurs, des phénomènes de météores, des silences et des fracas.
L’incertitude et le doute dans lequel certaines images nous plongent est lié à la perte de repères et d’échelle, à l’apparition de couleurs étranges, sombres, terreuses, ternes, vives ou pastels, aux effets vaporeux qui trouble notre perception de la terre, de la fragilité du sol, tantôt dur, tantôt friable, souple ou boueux.
Il peut émaner de ses images un sentiment de mélancolie qui, selon moi, est contenue dans le territoire même, dans sa nature élémentaire, tellurique.
Lors de mes marches, je fixe mon regard, non pas seulement sur l’horizon mais sur des fragments infimes et intimes du paysage, là où mes pieds s’enfoncent ou butent, là où se révèlent des micro-territoires à la limite du visible, à moins d’être face contre terre.
Car ce regard, je le maintiens au raz du sol et des bordures, confronté à une perte d’échelle qui rend sensible autrement le visible. Ici plus qu’ailleurs l’échelle comme le repère n’ont plus lieu d’être et provoque l’errance. Nous avançons dans une direction tandis que le regard nous appelle ailleurs.
Les accidents de la croûte terrestre créent des points de vue qui perturbent toute notion de perspective.
De même que le pas du marcheur vacille et devient hésitant, le regard du récepteur, à son tour, cherche dans l’image des points d’appui mais le regard glisse…toujours.